lundi 6 février 2017

Kou, Sing, Ming

Il est dit que Confucius demanda un jour à un nageur particulièrement doué comment il pouvait nager dans des eaux aussi tumultueuses, là où pour n'importe qui d'autre, cela représenterait une mort immédiate. Confucius demande s'il a une méthode. L'homme répond qu'il n'en a pas. Qu'il est parti du donné, qu'il a développé un naturel et enfin atteint la nécessité. Il ajoute : "Je suis né dans ces collines et je m'y suis senti chez moi : voilà le donné. J'ai grandi dans l'eau et je m'y suis peu à peu senti à l'aise : voilà le naturel. J'ignore pourquoi j'agis comme je le fais : voilà la nécessité".
Ces trois étapes tiennent en trois mots : Kou, Sing, Ming *.
Tout apprentissage, toute maîtrise, toute expertise nécessite ces trois espaces, ces trois temps.
Le temps de ce qui est là, qui appartient au passé, ce qui est révolu (cause ?) : Kou.
Le temps de la nature : la pleine réalisation des potentiels, des virtualités propres à un être, réalisation que cet être atteindra ou pas : Sing.
Le temps de la nécessité, de ce qui devient le mandat, l'ordre. Ce qui fait que l'être devient son art et s'oublie dans ce qu'il fait : Ming (maître)
Pas d'excellence sans ces trois temps, sans ces étapes…
Croire qu'il soit possible d'atteindre la nécessité, le Ming sans passer par le Kou et le Sing est illusoire, tout comme il serait illusoire de croire possible de parvenir à la maîtrise (Ming), sans le Kou et le Sing...



* : Emprunts à l'essai de Jean-François Billeter : "Leçons sur Tchouang Tseu"