lundi 9 mars 2015

J'ai vu "Whiplash"...

On me l'a dit une bonne dizaine de fois : je devais aller voir le film « Whiplash »... Ce film qui parle de musique, de jazz, de batterie, d'apprentissage, de mentoring...
Et je suis allé le voir. Et si j'ai beaucoup aimé ce film, je suis réservé sur ce qu'il pourrait laisser croire... et cela pour une seule raison et un seul plan : le sourire final entre le jeune artiste et son bourreau.

Ce billet ne s'adresse qu'à ceux qui ont vu ce film.

Ce film ne parle pas de musique, mais de cette chose ignoble qu'on appelle harcèlement. Il ne parle pas d’apprentissage, mais du syndrome du Munich, bien connu des psychologues et qui veut que les victimes d’un enlèvement finissent pas éprouver de la sympathie pour ceux qui les ont enlevé et violenté.
Enseigner, apprendre, transmettre, ce n’est pas souffrir. Ce n’est pas faire souffrir.
Les histoires de ceux qui se tuent à la tâche pour devenir les meilleurs et qui saignent sur leur instrument pour atteindre l’excellence et tenter de satisfaire les désirs de puissance « Birdiens » d’un satrape déguisé en passionné de jazz sont de mauvaises histoires qui vont dans le sens que tout le monde veut suivre : il faut avoir quelque chose de spécial pour devenir un grand artiste. Il faut être Charlie Parker avant de devenir Charlie Parker. Pour cela, il faut quelqu’un capable de déceler et de révéler le Charlie Parker qui sommeille.
Je n’aurais aucun problème avec ce film si le doute était laissé. Si le réalisateur ne donnait pas son point de vue. Point de vue qui est donné dans ce sourire de fin, sourire qui donne raison au bourreau. Toute cette souffrance est justifiée, un Charlie Parker est né. Tout ce drama, ce sang, ces humiliations sont justifiées par la naissance de l’Artiste ! Qui voudrait d’un tel parcours ? Personne !! SAUF  les « Charlie Parker » qui n’attendent que d’être réveillés par la force de la soumission, de l’humiliation et du harcèlement ! Les vrais artistes souffrent et n’abandonnent pas. Pour cela, ils ne sont pas comme tout le monde !
Tout cela est faux. Apprendre est une joie. Les grands artistes sont des gens joyeux. Vivre dans la joie d'apprendre (et la musique est un champ d'apprentissage infini), voilà qui donne envie de pratiquer 14 heures par jour !

Celui qui a révélé Charlie Parker n’est pas celui qui lui a lancé une cymbale au visage et manqué de le décapiter*, mais ce sont celles et ceux qui lui ont donné le courage de continuer, qui l’ont encouragé.

Les harceleurs tuent plus de potentiel qu’ils n’en créent.
Le harcèlement peut marcher, à court terme.
La musique est l’affaire d’une vie.

La peur consume. La joie nourrit.


*On en sait plus sur cette cymbale depuis, et en fait, ce n'est pas pour interrompre Charlie Parker parce qu'il n'était pas bon que "Papa" Jo Jones lui a lancé une partie de son kit (!), mais c'est parce qu'il ne lâchait pas le solo ! Ce qui est vrai, en revanche, c'est qu'il est bien revenu un an plus tard et que le solo qu'il fit ce jour là changea le jazz et la musique pour jamais...


Aucun commentaire: