jeudi 14 mars 2013

Cet enfant là...

Je me souviens, je devais avoir 6 ans.
Je suis en classe avec une « maîtresse » que je respecte beaucoup - Mme Verrier. Elle n’est sûrement plus de ce monde, mais je me rappelle son nom près de quarante années plus tard. Cela en dit long sur l’impact des instituteurs que nous croisons pendant nos tendres années.
Pourtant, elle n’apprécierait sans doute pas ce que je m’apprête à écrire !

L’histoire tient en quelques mots, mais elle illustre très bien la mission que s'est donné notre système éducatif.
Mme Verrier a commencé par distribuer à chacun de ses élèves des feuilles polycopiées sur lesquelles elle a représenté un triangle, lui-même divisé en une vingtaine de triangles plus petits, de tailles et de formes différentes.
Elle nous demande alors de colorier ces vingt triangles de couleurs variées.
Je m’exécute. Cependant, j’ai tout de suite l’envie d’ajouter des triangles, de sortir du cadre, de mettre de la couleur autour, de faire ce qui m’a été demandé, mais de faire plus, plus grand, d’oser dépasser, d’y ajouter ma vision des choses, sans aller jusqu’à mettre des ronds, de rajouter des formes, de me laisser aller à un peu de créativité. J’ai 6 ans !
J’avais à peine terminé de diviser de belles couleurs vives le premier triangle en quatre ou cinq nouveaux triangles que Mme Verrier me tombait dessus pour me dire que Non ! Que la règle était de remplir les triangles tels qu’elle nous les avait proposé et pas de faire ça ! Cette anarchie !

Il y a la règle et il y a ce que propose l’artiste. Tous les enfants de 6 ans sont des artistes. Ils remettent en questions nos consensus et nos hésitations, questionnent l’absurdité de beaucoup de nos comportements et pas un jour ne se passe sans qu’ils ne prennent de risques. Visitez un parc pour enfants, vous les verrez sauter, tomber, se mettre au défi !

Le problème, c’est que depuis l’âge de 6 ans, on vous a appris que tout cela était dangereux, anarchiques, délétère, désordonné ! Et pour la plupart, nous rentrons dans le rang ! Avant d’en ressortir, pour certains, ou pour jamais...

Que se passerait-il si vous donniez de nouveau la parole à cet enfant de 6 ans ? Que se passerait-il si vous aviez le pouvoir de le ranimer et de lui permettre de prendre part à toutes les décisions d’adulte que vous prenez ?
Que se passerait-il si le panache, le charisme, l’évidence de l’enfant de 6 ans que vous étiez colorait, imprégnait l’adulte que vous êtes devenus ?
Que se passerait-il si vous pouviez de nouveau vous laissez tenter par le risque, ne plus craindre le regard des autres et si vous voyiez le monde comme on le voit à cet âge là !

Je vais vous le dire : vous ne vous reconnaîtriez pas ! Et pourtant, cet enfant là vous le portez toujours en vous ; cet enfant là, c’est bien vous !

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